Livre de Vison

« Cher frère,

on t’a confié la belle mission de conduire une troupe et j’ignore dans quel état d’esprit tu l’as reçue. En recevant les clés d’une voiture de sport l’un hurle sa joie de bientôt faire des exploits, l’autre soupire à la pensée des pleins d’essence onéreux, un dernier, qui n’a pas son permis, se demande comment boucler la ceinture… Dans quelque situation que tu te trouves, tu serais content qu’avec la carte grise, l’ancien propriétaire te laisse un conseil de prudence, un peu d’essence au réservoir et un renseignement utile sur le moteur.

Peut-être que dans ton cas cela n’a pas été possible, ou à peine, c’est pourquoi je te laisse cette petite « boîte à pensées » que j’ai remplie pendant mes années de direction et que j’ose proposer dans le sillage du Livre d’Hermine. Ce n’est pas une somme de savoirs ou le manuel du parfait chef, bagage que te fournit ton mouvement sans doute, mais un coffret transmis en héritage dans lequel tu puiseras pour alimenter ta propre réflexion et celle que tu dois nourrir chez tes scouts, spécialement les aînés, et tes assistants.

Sache accélérer, sache freiner et pilote de façon à conduire ta troupe là où tu veux. Donc avant tout, pense à la destination, ainsi tes plus petits choix seront réfléchis.

La matière se divise en quatre parties correspondant à quatre moments-clés de réflexion :

1. Les mots du soir pour conclure la veillée et préparer à la prière lors des week-ends de troupe et pendant le camp : quelques minutes. Bonne habitude reprise de saint Jean Bosco.

2. Les interventions au cours des veillées de promesse : cinq à dix minutes. S’il faut rattacher cela à une spiritualité ce serait à celle de saint Benoît qui invite par l’engagement monastique à une école de sainteté.

3. Les méditations qu’il est bon de mener chaque jour, si possible en maîtrise (« heure route »…), à laquelle tu peux convier les C.P. de temps en temps (histoire de tester les seconds sur le temps d’une préparation de repas par exemple ?) : vingt à trente minutes. Ça fait partie des exercices de saint Ignace.

4. Les topos qu’il te faut donner à la Haute-Patrouille de temps en temps dans l’année : de trois quarts d’heure à une heure. Si tu transmets aux autres ce que tu as contemplé tu pourras te comparer aux frères prêcheurs de saint Dominique !

Importante précision : les propos qui suivent ne prétendent pas à l’universalité ! J’ai mes habitudes, le langage scout d’une troupe, la pédagogie d’un mouvement. A chacun d’adapter et de ne pas me vouer aux gémonies parce que je contredis une théorie particulière. Qu’on me colle une étiquette si on veut, mais que l’on pompe dans cette boîte à pensées de quoi pérenniser le véritable esprit scout voulu par Baden-Powell.

Si ce militaire, de retour de campagne, a conçu le scoutisme, c’était pour palier le désœuvrement de la jeunesse britannique des quartiers. Cent ans plus tard tu n’es pas chef pour des raisons futiles. Analyse, toi aussi, la situation réelle. Conçois que tu œuvres au relèvement de ton pays, pour que vive la France demain ! Voilà ce qui doit te motiver à dépasser la lecture de cette introduction (!). Ce recueil est un manuel. Ne crains donc pas de l’écraser sur ta table de travail pour en recopier un passage qui servira au prochain raid de classe ou de le laisser traîner au Kraal dans la cendre, ce ne sera pas plus mal si un assistant le feuillette au lieu de buller ! Mais ce n’est qu’une boîte avec des idées, il y en a d’autres. Forge aussi tes propres outils ! »

Vison T.